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Entretien

Paris 200 bars-concerts

un guide avec plus de 200 endroits attachants et insolites !

Bien commun par excellence de la vie parisienne, les cafés, bars et autres comptoirs de Paris sont des lieux qui suscitent non seulement tous types de rencontres mais on y laisse un peu de soi aussi. Ces bistrots nous appartiennent et définissent notre façon de bouger dans la ville, ils tissent notre lien social, amical et souvent nous font découvrir quelques pépites musicales le temps d'une chanson. Artisan en écriture et photographie, comme il aime se définir, le journaliste Pierrick Bourgault en connaît un rayon sur ces lieux uniques, et qui d'ailleurs pourraient bientôt faire partie du Patrimoine Culturel Immatériel de l'UNESCO, du moins il y met toute son énergie. Il vient de publier la 4e édition de son guide Paris 200 bars-concerts, et toujours à l'affût de vouloir transmettre et partager ses découvertes, il nous invite à sortir allègrement et se laisser porter par ces lieux uniques et tellement parisiens, où la musique et un bon verre de vin se donnent rendez-vous... le temps d'une chanson !

- Qu'est-ce qui vous a amené à faire ce travail de fourmi autour de cette cartographie des bars-concerts à Paris ?
J'ai débuté en notant des adresses pour des amis basques en visite, afin de leur faire découvrir chaque soir des endroits différents, insolites, attachants. À Paris, les lieux où boire et manger dans une déco sympa sont légion, mais nous cherchions davantage: une atmosphère, un lieu avec une âme, l'ambiance d’un concert, d’une musique vivante, l'univers d'un artiste, ses rythmes et ses mots, sa poésie. Le premier Lylo imprimé que j’ai déniché sur un zinc m’a donné le fil pour dérouler la pelote vers d’autres adresses. Ensuite, les newsletters que les artistes rencontrés envoient pour annoncer leurs dates ont complété mon répertoire. J’ai souvent apprécié la qualité des concerts, la proximité des musiciens et des textes – d’où l’envie de partager, de faire connaître quelque chose d’unique.

- Quels sont les liens entre les bars, la musique et Paris ? Ces liens font partie d'une certaine culture parisienne ? Est-ce qu'il y a un certain savoir-faire propre à Paris dans cette relation ?
Une seule commune, Paris concentre le tiers des Licences IV de France et plus de la moitié de l'activité des cafés et bistrots. À Paris, ces lieux de rencontre et de convivialité ne sont pas en péril comme en région où ils ferment un à un. Le bistrot est la pièce qui manque aux appartements de notre capitale pour recevoir ses amis; les voyageurs, touristes d'ici ou d'ailleurs, les apprécient quotidiennement. Paris est une ville de musiciens venus du monde entier, un croisement d’itinéraires. Bistrots, cafés et restaurants accueillent donc public et artistes pour des concerts à échelle humaine, presque toujours gratuits et rémunérés au chapeau. On peut même discuter avec les artistes au coin du comptoir. Le bar est le chaînon manquant entre l'école et les grandes salles, l'auteur y teste ses chansons, l'interprète sa prestation. C’est un vrai tremplin. Tous apprennent le rapport au public en conditions réelles, non virtuelles. C’est mieux que s'ils participaient à une émission télévisée.

- Comme disait l'écrivain Hemingway à la fin des années 50, "Paris est une fête...", est-ce toujours le cas aujourd'hui ?
Chaque nouvelle édition du Guide Paris 200 bars-concerts requiert une mise à jour complète. Je joins ou visite chaque adresse, j’écoute les confidences, les doléances. Tenir un bistrot n’est pas simple, y accueillir des concerts est à la fois un atout pour le lieu et une complexité supplémentaire. Imaginez-vous organiser une fête chez vous, chaque soir... Depuis l’édition 2016, j’ai enlevé une cinquantaine d’adresses disparues pour non-renouvellement du bail, augmentation du loyer, dépôt de bilan (c’est une entreprise), soucis avec les voisins (ce n’est pas la cause principale). Les bars-concerts sont des microcosmes fragiles, un bar qui ferme est un groupe humain qui se disperse. Notre cher Limonaire fut emblématique de ces petits lieux réunissant un public spécialisé, amoureux d’un genre – en l’occurrence, la chanson francophone. Dans la dernière édition de mon guide, j’ai rajouté 92 lieux nouveaux ou qui s’ouvrent à la musique. Bien sûr, leur public est plus généraliste ; il faut du temps pour qu’une qualité d’écoute se développe.

- Que souhaitez- vous transmettre à travers votre guide ?
Ce livre de poche invite à sortir de ses habitudes, à explorer des bars que l'on ne connaît pas encore, près de chez soi ou un peu plus loin (ils sont classés par arrondissement). Il incite à découvrir des artistes, leur univers sonore et poétique. L'évènement organisé ce soir est une excellente raison pour leur rendre visite. En visionnant les séquences du juke-box de Lylo, vous saisirez leur approche musicale et pourrez y donner rendez-vous à vos amis.

- Est-ce que votre travail autour de cette cartographie est en lien avec cette idée d'inscrire les bistrots et terrasse de Paris au Patrimoine Culturel Immatériel de l'UNESCO ?
J'ai commencé à écouter des artistes dans les bars vers 1990, à l'Attirail, au Limonaire (rue de Charenton, au début). Mon premier guide Paris 150 Bars Concerts paraît en 2011. L’idée d'inscrire les bistrots de Paris à l'Unesco est plus récente et tout à fait pertinente car c'est bel et bien un patrimoine. Culturel, car il s’agit de musique, de textes, d’artistes d’ici et d’ailleurs, d’un art de vivre, immatériel comme l’âme de ces lieux que l’on aime. On sous-estime toujours ce rôle culturel des cafés, leur importance dans la société. Le café est « un lieu qui rend possible » une expo, un concert. En effet, il est plus facile d’exposer ses aquarelles ou de chanter au troquet du coin qu’au Zénith local. J’ai le plaisir de participer au Comité scientifique de cette Association pour ce classement à l’Unesco. Voir le site >www.bistrotsetterrassesdeparis.org

- Vos coups de cœurs (lieux) à Paris ?
Impossible de répondre, ils sont trop nombreux! Chacun de ces 288 lieux cités dans mon guide possède sa personnalité liée à celles et ceux qui les tiennent, aux habitués, son rythme, une ambiance particulière. C'est justement cette diversité qui fait la richesse de l'offre parisienne. Aux antipodes de la multinationale qui vend du café avec une carte identique et des employés uniformément vêtus, ces bars de caractère se révèlent encore plus singuliers à l'heure du concert : la personnalité de l'artiste occupe, provisoirement, l'espace sonore et visuel. C’est un moment d'émotion musicale, un événement ponctuel ou répété chaque semaine s'il s'agit d'une jam ou d'un rendez-vous régulier. Le public parisien est parfois peu attentif car il vient se détendre après le travail, bavarder, rencontrer d'autres personnes, mais c’est un public bienveillant et curieux, qui aime se laisser séduire par une voix, une histoire, une ambiance musicale, qui adore s’enthousiasmer. Les bars-concerts sont des creusets de talents et de rencontres. Dans un monde rempli d’écrans, ce sont des lieux singulièrement humains et où la relation est directe. J’y ai vécu mes plus belles soirées.

Le site de Pierrick Bourgault : www.monbar.net

—  Diego

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